La pandémie de Covid-19 et le confinement qui l’accompagne sont éprouvants psychologiquement, au point de faire peser un risque sur notre santé mentale.
Jérôme Palazzolo et Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz nous donnent quelques conseils pour mieux vivre la situation.

Entre la crainte de la contagion et les contraintes du confinement, nous sommes soumis à un stress psychologique intense. Frustration, ennui, solitude, sentiment d’enfermement, craintes financières, impossibilité de rendre visite à un parent fragile ou d’organiser les funérailles que l’on souhaiterait pour les victimes, stigmatisation et rejet pour ceux qui sont touchés par le virus… Les attaques à notre psychisme ne manquent pas. Avec un danger notable pour notre santé mentale, comme le révèlent les recherches sur le confinement, qui pointent notamment des risques de dépression, d’insomnie ou de stress post-traumatique. Voici quelques conseils, inspirés de diverses techniques thérapeutiques, pour éviter de vous laisser envahir par les émotions négatives et les idées noires.

1. Tournez-vous doucement vers une forme d’acceptation de la situation
Dans le contexte actuel, le risque est de se focaliser sur ce qui manque : « Si seulement je pouvais aller boire un verre avec mes amis », « J’ai oublié un dossier au bureau, il me suffirait d’aller le chercher pour avancer deux fois plus vite », « C’est pénible de ne pas pouvoir se défouler au club de sport »… Soyez attentif à ce que ces pensées négatives ne prennent pas toute la place : la situation est telle qu’elle est, vous n’y pouvez rien.
Ne paniquez pas au moindre signe de nervosité ou d’anxiété, et ne cherchez pas non plus à nier vos émotions négatives : elles sont normales dans la situation actuelle. Lutter sans arrêt contre elles ne ferait que les renforcer en leur accordant une place démesurée, ce qui vous épuiserait et vous paralyserait tout en accroissant le risque de troubles psychologiques. La souffrance est comme un sable mouvant : plus on se débat, plus on s’enfonce ! La thérapie d’acceptation et d’engagement part du point de vue que c’est en acceptant ce que l’on ne peut pas changer que l’on trouve l’énergie nécessaire pour orienter sa vie comme on le désire.
Tentez de voir les aspects positifs de la situation : n’est-ce pas l’occasion de prendre soin de vous ? De consacrer du temps à vos proches ? D’apprendre à « ralentir » ?

2. Demandez-vous ce qui compte pour vous
Le second pilier de la thérapie d’acceptation et d’engagement consiste à s’engager dans des activités qui ont du sens pour nous, qui correspondent à des objectifs de vie importants. C’est un pas essentiel vers le mieux-être. Faites appel à votre créativité, il est toujours possible de trouver de telles activités même quand on est confiné ! Gérer une page Facebook d’entraide, proposer des dessins aux enfants pour les offrir après la crise aux grands-parents en Ehpad, inventer de nouvelles recettes de cuisine saines pour la famille… Pour trouver l’inspiration, il peut être utile de dresser une liste des activités qui vous ont aidé à dépasser une situation difficile par le passé.

3. Détournez-vous des pensées négatives
Dans une situation anxiogène, toutes sortes de pensées intrusives ont tendance à nous envahir, dessinant des scénarios plus menaçants les uns que les autres : « J’ai un peu mal à la tête et le nez qui coule : c’est le coronavirus ! Ma vie est en danger et je vais contaminer tout le monde ! » Le risque, quand on est embarqué dans une telle spirale négative, est de déboucher sur une crise de panique – voire, si ces pensées sont présentes de façon chronique, sur une anxiété généralisée qui ne nous quitte plus.
Lorsque des pensées de ce type vous envahissent, essayez de voir la situation de manière plus rationnelle, en vous fondant sur les connaissances scientifiques. Dites-vous par exemple que le fait de rester chez vous réduit considérablement le risque d’être contaminé et de contaminer les autres, ou que le Covid-19 est bénin dans la grande majorité des cas. Renseignez-vous également sur les symptômes réellement associés au coronavirus.

4. Adoptez les comportements adéquats
Une bonne hygiène de vie a des bienfaits avérés sur la santé mentale : il est recommandé de poursuivre une activité physique à domicile, de dormir au moins huit heures par jour et d’adopter une alimentation saine, en se préservant des comportements compulsifs (consommation abusive d’alcool, usage excessif des jeux vidéo, visionnage de séries en continu…).
Si vous avez tendance à procrastiner devant votre ordinateur et que le confinement a encore amplifié cette tendance, tâchez de reprendre progressivement des activités qui vous font du bien : lecture, apprentissages divers (d’une langue, de recettes de cuisine…), pratique d’un instrument de musique… Ce réengagement graduel dans l’activité est ce qu’on appelle l’activation comportementale : il s’agit d’une composante des thérapies cognitivo-comportementales largement utilisée dans la prise en charge de la dépression par exemple. Cela peut sembler évident, mais les activités agréables ou importantes pour nous ont un vrai pouvoir d’amélioration de notre humeur, maintes fois démontré par les recherches.

5. Soyez à l’écoute de vos émotions
Prévoyez régulièrement des activités calmes et relaxantes, comme l’écoute de la musique, le yoga ou la méditation de pleine conscience.
Suivre l’actualité (en vous fondant sur des données fiables) vous aidera, car s’informer sur une situation inconnue permet d’éviter la panique, en restaurant un sentiment de contrôle. Mais il faut trouver la juste mesure : si vous sentez que la consultation des médias (télévision, internet, papier) accroît votre anxiété, regardez alors moins souvent les nouvelles et privilégiez un recentrage sur vous.
Si vous sentez que vous êtes déprimé et avez du mal à remonter la pente, il est utile d’élaborer un plan d’action précis, par exemple en sélectionnant trois activités agréables et en les prévoyant à des horaires fixés à l’avance. N’oubliez pas d’évaluer l’efficacité de ce plan, en notant régulièrement le plaisir associé à chaque activité, ainsi que votre niveau d’anxiété et de tristesse, sur une échelle de 1 à 10. La situation s’améliore-t-elle ?
Si vous avez tendance à faire des crises de panique, utiliser des techniques de relaxation rapide est souvent efficace. Un protocole très pratiqué est par exemple celui dit « de la relaxation musculaire progressive », qui dure une quinzaine de minutes au total. Contractez fortement les poings pendant quelques secondes, puis relâchez-les, en vous concentrant sur les sensations associées. Répétez successivement l’exercice avec les groupes musculaires suivants : avant-bras, bras, épaules, cou, mâchoire, yeux, front, dos, thorax, abdomen, fesses, jambes, mollet.

6. Entretenez votre réseau social
Il est important de rester connecté avec ses amis ou les membres de sa famille via les réseaux sociaux, le téléphone ou les applications mobiles. Une solitude excessive est particulièrement néfaste pour la santé mentale.
En cas de difficulté à surmonter vos émotions négatives, n’hésitez pas à demander de l’aide à vos proches et à leur exprimer vos besoins : peut-être aimeriez-vous par exemple davantage de moments pour échanger sur vos ressentis ou pour pratiquer diverses activités ensemble…

7. Anticipez… sans exagérer !
Afin d’éviter les sources d’anxiété inutiles, assurez-vous que vous ne manquerez de rien, par exemple en établissant une liste pour la semaine (eau, nourriture, médicaments, fournitures d’hygiène). Attention toutefois à ne pas vous engager dans une course sans fin, en faisant des stocks pour plusieurs mois : il vous faut aussi apprendre à gérer la peur du manque et celle de l’inconnu, qui risquent de devenir incontrôlables autrement – il est bien connu en psychothérapie qu’éviter systématiquement ses peurs conduit à leur renforcement. En outre, une telle frénésie, si elle concernait toute la population, risquerait d’aboutir à une prophétie autoréalisatrice, créant des pénuries qui ne surviendraient pas autrement.

Et n’oubliez pas de remettre la situation en perspective : le confinement est temporaire et ne durera pas toute la vie